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Quelles sont les origines profondes du syndrome du sauveur ?

Quelles sont les origines profondes du syndrome du sauveur ?

Comprendre les causes pour mieux s’en détacher et en guérir

Suite à l’article sur les 7 symptômes et les 7 clés idéales pour sortir du syndrome du sauveur, nous ferons aujourd’hui un zoom sur les causes et les origines pouvant déclencher ce syndrome du sauveur. En effet, connaître les causes de ce syndrome permet une prise de conscience et une meilleure compréhension des comportements, pour une meilleure prise en charge et guérison, puisqu’il s’agit d’un trouble qui induit une souffrance chez la personne qui en est atteinte. Nous l’appellerons désormais « sauveur » au cours de cet article. 

 

D’abord, pour expliciter ce trouble, nous en verrons les origines. Ensuite, nous verrons l’impact de ce trouble sur les relations du sauveur. Et pour finir, nous ferons un bref rappel de définitions (le syndrome du sauveur, sa blessure narcissique et la dépendance affective) avec quelques exemples pour illustrer. 

 

Bonne lecture à vous. 

Les origines du syndrome du Sauveur

Des origines infantiles

Un mécanisme adaptatif

Les causes du syndrome du Sauveur prennent bien souvent racine dans l’enfance. En effet, les enfants ont beaucoup de ressources et sont capables de s’adapter, même à des situations compliquées. Ces adaptations les font survivre aux épreuves qu’ils peuvent rencontrer très jeunes, mais elles peuvent devenir par la suite des mécanismes défensifs robustes* dans le temps. 

 

Ces mécanismes de défense sont adaptés à la situation initiale (vécue durant l’enfance), car l’enfant possède des ressources (limitées à son âge et à ses capacités d’enfant), mais ils deviennent inadaptés à l’âge adulte. C’est ainsi que l’on retrouve des adultes ayant des comportements parfois inappropriés, voire enfantins dans certaines situations. 

Par exemple : Un enfant qui a envie d’être un héros et de sauver tout le monde, procure aux autres (et notamment aux adultes) des sentiments d’empathie, d’attendrissement et d’affection. C’est ce que recherche notre enfant sauveur. ➔ Il s’est adapté à sa situation compliquée (par exemple le manque de soin et d’affection de ses adultes référents* – nous l’aborderons plus bas). Son mécanisme provoque donc un sentiment d’affection chez les autres.  

 

Il devient adulte et continue de vouloir sauver tout le monde. Certains adultes vont trouver cela utile et aidant, d’autres vont éprouver de la méfiance envers lui, et d’autres encore vont profiter de sa naïveté. ➔ Son mécanisme défensif enfantin a été adapté et efficace durant son enfance, mais est inadapté à l’âge adulte. 

 

Cela provoque de la souffrance chez la personne atteinte du syndrome du sauveur, car elle s’aperçoit à l’âge adulte de son impuissance à sauver le monde. De plus, les réactions des autres ne correspondent pas toujours à sa quête initiale d’empathie et de reconnaissance. Il lui faut rompre avec son rêve de petit garçon d’être un super-héros, un sauveur et, cette rupture peut être douloureuse. Cette personne a besoin d’être accompagnée pour faire ce travail de manière sereine. Il faudra bien souvent que le sauveur parvienne à faire le deuil de ce qu’il n’a pas pu sauver étant enfant.* (cf : illustration le cas d’Alexandre). 

 

En effet, lorsqu’un mécanisme de défense a fonctionné un jour, le cerveau ne trouve pas de raison de changer de fonctionnement. Il conserve alors ce mécanisme et continue de l’utiliser et ce, même si sa fonction, son intérêt et les conséquences de son utilisation sont désormais différentes. 

Exemple illustré :

Un petit garçon qui n’a pas obtenu la petite voiture qu’il voulait, se met à pleurer dans le magasin, en criant très fort. L’adulte auprès de lui considèrera qu’il fait un caprice ou cherchera à le consoler. Parce que c’est un enfant. 

 

Un adulte qui n’a pas obtenu la voiture qu’il voulait, se met à pleurer dans le magasin, en criant très fort. ➔ Tout le monde le prendra pour quelqu’un d’étrange ou ayant besoins de soins psychiques. Parce que c’est un adulte et que la réaction est inappropriée pour une personne adulte. 

Vous trouvez cela évident ?

Pourtant c’est la même chose pour le syndrome su sauveur.

Illustration : 

*Le cas d’Alexandre 

 

Le petit Alexandre a 4 ans et il est fils unique. Il vit avec une maman atteinte d’une maladie, depuis qu’il est né, et son papa a toujours été aux petits soins avec elle. Ses parents sont très préoccupés par l’état de santé de Madame, et ne sont donc pas suffisamment disponibles pour livrer l’attention et l’affection dont leur fils Alexandre a besoin en tant qu’enfant. 

Le cerveau, avec ses ressources d’interprétations limitées et ses capacités d’enfant en développement, conclue du manque de soin de ses parents à son égard, que c’est de sa faute et qu’il mérite certainement ce traitement (peut-être a t’il fait quelque chose de mal pour mériter ce manque de soin ?). Le jeune Alexandre se sent donc impuissant et inconsciemment responsable de la maladie de sa maman et donc indigne de l’amour de ses parents. Il n’en a pas conscience, mais grandit avec cette idée. 

 

Evidemment, dans les faits, ce n’est pas du tout le cas, mais cet enfant ne peut s’en douter car il n’a pas les ressources cérébrales pour le comprendre et pour interpréter autrement cette situation. 

 

Cherchant à survivre avec ses sentiments de culpabilité et le manque d’affection, Alexandre cherche toujours à aider ses parents, à être parfait et irréprochable. En retour, ses parents en sont plutôt satisfaits et se disent qu’ils ont de la chance d’avoir un enfant calme et serviable comme lui. Cet enfant va donc grandir en renforçant ses comportements défensifs* (ici : inhibition de Soi, de ses émotions et de ses besoins, fort service aux autres, se faire passer après les besoins des autres, etc.), puisqu’ils sont récompensés par de la reconnaissance parentale. Et au fond, c’est ce que cherche réellement cet enfant : de la reconnaissance et de l’affection. 

Alexandre devient ainsi un petit sauveur, très attachant. Les personnes connaissant cet enfant le trouvent particulièrement généreux, serviable et à l’écoute. Il s’est adapté à sa situation compliquée dans laquelle il manquait de soin et d’affection. Son mécanisme adaptatif a été fonctionnel en tant qu’enfant, provoquant des sentiments d’affection des autres personnes à son égard. 

 

Le problème c’est que le jeune Alexandre va grandir avec cette idée de l’amour comme un échange conditionné par l’aide qu’il pourrait apporter aux autres. 

 

A l’âge adulte, Alexandre aura certainement besoin de prendre conscience qu’il a souffert du manque affectif de ses parents lorsqu’il était enfant. Il devra s’apercevoir qu’il s’est empêcher de dire, de ressentir et de vivre pleinement ce manque ainsi que les émotions que ce dernier a provoqué en lui. Enfin, Alexandre aura également à accepter qu’il a fait taire ses émotions et ses besoins, car sa maman était malade et qu’il ne se donnait donc pas le droit de se plaindre, lui ayant la santé. De plus, il trouvait cela bien normal que lui et son papa s’occupe d’elle. Suite à cette prise de conscience, Alexandre devra s’autoriser maintenant à éprouver et à vivre pleinement ses émotions à l’âge adulte. Cela n’ayant plus de conséquences sur l’état de santé de sa maman, mais en ayant encore sur les relations et la vie d’Alexandre à l’âge adulte. 

 

L’étape douloureuse de la thérapie sera de comprendre : 1 qu’il n’a pas pu sauver sa mère, parce qu’il était enfant, 2 parce que ce n’était pas son rôle, 3 parce que c’était impossible quoi qu’il aurait fait. D’autre part, il serait bénéfique mais pas facile qu’Alexandre s’autorise à éprouver de la tristesse pour l’enfant qu’il était, et la solitude dans laquelle il a été plongé si tôt dans son enfance. Et peut-être également de la colère envers ses parents qui n’ont pas assurer leur rôle (ou au moins celui de le protéger et de ne pas l’inquiéter de la situation, de ne pas le laisser se conformer). Pour enfin en arriver à l’acceptation finale et à la libération de son mécanisme défensif : l’amour ne se mérite pas par des actes d’aide à autrui. A l’étape de l’acceptation, Alexandre apprendra une nouvelle croyance qui ressemblera à ceci : « Moi j’aimais mes parents inconditionnellement. Et cela aurait dû en être pareil pour eux, mais ils n’étaient pas en capacités. Ce n’est pas de ma faute et aujourd’hui je peux me libérer de ce schéma qui me bloquait dans le passé et me faisait souffrir dans le présent. » 

 

Il s’agit de l’étape où le sauveur tente de faire le deuil de ce qu’il n’a pas pu sauver étant enfant.*

Des enfants devenus adultes trop tôt

Les personnes atteintes du syndrome du sauveur ont parfois été parentifiés* (c’est-à-dire qu’elles ont dû prendre le rôle de parent auprès de leurs parents ou de leur fratrie lorsqu’elles étaient enfants). Cette situation d’inversion des rôles dans laquelle l’enfant devient adulte trop tôt, arrive notamment lorsque qu’un parent ou autre membre de la famille devient défaillant (par la maladie, la dépression, la dépendance ou le décès par exemple). Ces enfants ont eu à devenir des adultes, des parents, des sauveurs, et abandonner de fait leur insouciance et préoccupations d’enfants trop tôt par rapport à leur développement. Ces enfants ont fonctionné très tôt comme des adultes en prenant en charge les besoins affectifs et émotionnels des autres. Ayant une conscience aiguë de la souffrance de leurs parents, ils ont cherché à les sauver des épreuves subies (maladie, souffrance psychique, pauvreté, deuil, etc.). A cette époque ils ont déjà mis en place un comportement réflexe pour venir en aide à leurs proches. 

 

Ils ont également vécu le manque d’affection du fait de l’indisponibilité émotionnelle des adultes référents*. Dans la parentification, lorsque l’enfant fait quelque chose pour son adulte référent, il reçoit alors des stimulations positives qu’il interprètera comme des preuves d’affection, d’attention et d’amour, faute d’en recevoir d’autre. L’enfant en conclura donc qu’il ne peut être aimé que lorsqu’il donne du soin, de l’attention, du temps, ou lorsqu’il vient en aide à quelqu’un. En conséquence de cette nouvelle croyance, il va se montrer irréprochable et venir en aide dès que possible à ses parents, en espérant ainsi recevoir enfin l’amour et la reconnaissance dont il a besoin. 

 

Les sauveurs adultes ne peuvent donc se sentir aimés et considérés qu’en prenant soin des autres. Ils ont besoin en réalité de se sentir valorisés et utiles pour se permettre d’exister. Les adultes atteints du syndrome du sauveur peuvent avoir le sentiment d’avoir été délaissés durant leur enfance. Les parents ou adultes référents ont été peu présents ou peu dans la communication avec eux. Le lien d’attachement n’a pas été suffisamment sécurisant pour ces enfants. Ils sont donc en difficulté pour être indépendants dans les relations, et cela les impactera dans leur vie d’adulte. 

Des origines traumatiques

Les origines de ce syndrome du sauveur remontent souvent à l’enfance, mais elles peuvent également être vécues à l’âge adulte. En effet, le syndrome du sauveur peut également être déclenché par une situation d’abandon, de perte ou un par événement traumatisant. 

 

Les vécus d’abandons et de traumatismes tels que le rejet, l’humiliation, la maltraitance, la négligence etc., favorisent également le développement du syndrome du sauveur en tant que mécanisme de défense. 

 

Pour savoir comment reconnaitre le syndrome du sauveur et s’en libérer, cliquez ici

Le syndrome du sauveur et les relations

Pour faire un zoom sur les origines du syndrome du sauveur nous devons évoquer le triangle dramatique de Karpman. Nous allons donc le définir et voir son impact sur les relations de notre sauveur. 

Le triangle dramatique de Karpman

Le triangle de Karpman a été développé par le psychiatre américain Stephen Karpman. C’est un modèle social d’interactions, connu pour décrire le fonctionnement des relations dysfonctionnelles, et pouvant devenir toxiques. Il est aussi nommé triangle dramatique, car nous le verrons, il s’agit d’un jeu de mises en scènes et d’affects sur-joués, comme au théâtre. Ce mode de relations implique trois « rôles » que vont se partager et s’échanger deux « acteurs » ou plus : la victime, le persécuteur et le sauveur. 

 

Pour pouvoir développer les différents rôles au sein du triangle de Karpman, voici deux définitions de termes importants pour la suite : les bénéfices secondaires et la co-dépendance. 

Bénéfices secondaires : Concept psychanalytique, les bénéfices secondaires sont les effets positifs ou avantages inconscients pouvant être tirer d’une situation défavorable (un symptôme psychopathologique, ou une maladie par exemple), mais dont l’arrêt signifierait la perte du bénéfice en question. En savoir plus sur les bénéfices secondaires.  

Co-dépendance : « la co-dépendance est définie comme : un trouble de la relation, caractérisé par une forte dépendance vis-à-vis d’un ou d’une partenaire problématique, manifesté par une insatisfaction émotionnelle et une souffrance personnelle, où l’attention du ou de la conjointe est centrée sur la prise en charge des besoins du partenaire ou d’autres personnes, tout en méconnaissant les siens. Y sont associés, un mécanisme de déni, un développement incomplet de l’identité, une répression des émotions et une inclination à se comporter en sauveteur à l’égard des autres » (définition de Noriega G, sources). En savoir plus sur la co-dépendance.

Schéma triangle de Karpman

Le rôle de la victime :

La victime est une personne qui se sent persécutée par quelqu’un, quelque chose ou une situation. Elle subit les situations, se plaint des autres, de la vie et s’apitoie sur son sort. Elle a donc besoin d’un persécuteur afin de pouvoir garder son rôle de victime et de rendre légitime sa plainte. Le persécuteur va endosser le rôle de coupable de tous ses problèmes et permettra donc à la victime de ne pas se confronter à ses responsabilités et de ne pas avoir à se remettre en question. 

La victime ne désire pas forcément se sortir de sa situation. Le message qu’elle envoie est de l’ordre de la plainte, ce qui attire le sauveur qui pourra être présent pour l’aider. La victime cherche un sauveur qui a le pouvoir (magique) de la rendre heureuse. En se dédouanant de ses responsabilités, elle reste en position basse dans la relation. Le sauveur interprétera ce message comme une demande d’aide. En réalité, la plainte de la victime est plus une demande d’attention et d’assistance permanente, qu’une réelle demande d’aide à la résolution de son problème. Ce que recherche inconsciemment la victime, c’est d’être au centre de l’attention, que l’on s’occupe d’elle constamment, et de ne pas prendre ses responsabilités face à sa situation. La victime cherche à se sentir aimée tout simplement (en réponse à sa blessure narcissique, différente de celle du sauveur). Et en retour, elle aimera son sauveur. 

 

Malgré une réelle souffrance, la victime souhaite garder son rôle qui lui apporte des bénéfices secondaires. Les bénéfices secondaires de cette position de victime sont finalement plus importants que la souffrance engendrée par la situation. 

 

Quelques exemples de profils « victimes » que vous connaissez : la princesse en danger (face au « méchant » de l’histoire, elle attend le prince qui viendra la sauver), ou une personne alcoolo-dépendante (ici le persécuteur est la substance addictive et la victime se sent impuissante face à cette emprise). 

Le rôle du persécuteur :

Le persécuteur peut être une personne réelle (un patron, un collègue, un parent, une connaissance, etc.) ou bien une situation (une difficulté financière, un problème de santé, une maladie, un handicap, une addiction, un système, etc.). Le persécuteur existe parce que la victime lui donne ce rôle. Le message qu’il envoie est la domination sur quelqu’un d’inférieur, il dévalorise, critique, fait des reproches, interdit, contrôle. 

 

Lorsque c’est une personne, le persécuteur peut avoir été victime ou sauveur précédemment. Il a vécu beaucoup de frustrations et il le fait inconsciemment payer aux autres. Le persécuteur paraît perfectionniste et autoritaire, il donne des ordres, peut se montrer agressif. 

Il est pourtant la personne la plus honnête du triangle de Karpman, concernant ses bénéfices situationnels, en ce qu’il ne se voile pas la face. Il cherche à dominer l’autre et ne s’en cache pas. Pour lui, on ne parle donc pas de bénéfices secondaires puisqu’ils sont clairement évidents aux yeux de tous. 

 

Le Joker, l’exprime bien à Batman (film : The Dark Knight) : il a besoin d’un sauveur, sinon il n’aurait ni utilité, ni sens, ni amusement dans son rôle de persécuteur. 

 

Quelques exemples de profils « persécuteurs » que vous connaissez : un « méchant » de Disney ou de tout autre film/série (dont la quête serait le pouvoir, la puissance, la richesse ou la reconnaissance), une substance addictive, un système (vécu comme injuste), un directeur, un cadre, ou un parent autoritaire et exigeant, etc. 

Le rôle du sauveur dans le triangle de Karpman :

Le sauveur est donc la personne qui vient au secours de la victime, tel un super héros et sans que cette demande ne lui ait été formulée directement. Il a besoin de la victime et de ses plaintes pour pouvoir exister en tant que sauveur. Sans sa victime, le sauveur n’a pas de mission. Il a également besoin du persécuteur, pour qu’il y est un « méchant » à combattre. Le sauveur donne des conseils, réconforte la victime et fait des choses pour elle, à sa place. 

 

Dans sa position, le sauveur semble apporter de l’aide inconditionnellement à la victime. En réalité, il n’aide pas la victime à devenir autonome et indépendante face à ses problèmes. Au contraire, il se rend plutôt indispensable, en faisant les choses à sa place et en l’encourageant ainsi à fuir ses responsabilités. Cette situation de co-dépendance* convient bien aux deux, victime et sauveur qui y trouvent tous deux des bénéfices secondaires importants. La victime est au centre de l’attention et on s’occupe d’elle, elle est maternée. Tandis que le sauveur lui, est reconnu, utile et admiré par les autres (et il le mérite, puisqu’il pose des actes allant dans ce sens). Par ailleurs, s’occuper des problèmes de la victime, permet au sauveur de ne pas se pencher sur les siens. Finalement, le sauveur semble aider sans rien attendre en retour. 

 

Quelques exemples de profils « sauveurs » que vous connaissez : un super-héros qui « fait le bien », le chevalier blanc avec de nobles intentions, un prince ne peut s’empêcher d’aider et de sauver d’autres personnes, etc. 

Des rôles qui s'intervertissent

Finalement, chacun trouve inconsciemment son compte dans ce « jeu » du triangle de Karpman. Il est donc difficile d’en sortir, puisqu’il comble les attentes et les besoins de chacun des protagonistes. Ainsi la victime peut se plaindre et avoir l’attention dont elle a besoin, sans avoir à affronter la réalité et ses responsabilités. Le persécuteur peut passer ses nerfs et sa frustration sur la victime et prendre l’ascendant sur elle. Ce qui lui donne un sentiment de supériorité (re-narcissisation). Et le sauveur peut se rendre indispensable, afin de redorer son estime de lui en recevant de la reconnaissance. 

 

Ce que le triangle de Karpman a de dramatique, est que les rôles peuvent tourner indéfiniment. Le sauveur peut devenir persécuteur en étant trop présent et contrôlant dans la vie de la victime par exemple, ou au contraire la victime peut se sentir abandonnée et alors transformer notre sauveur en persécuteur avec des reproches. Cette rotation forcerait la victime à devenir sauveur à son tour, pour maintenir les bénéfices secondaires de chacun dans le jeu du triangle de Karpman. Les rôles tournent dans ce triangle. Ce « jeu » peut donc être interminable, comme un cercle vicieux.

Le triangle de Karpman pour le sauveur

Pour en revenir à notre sauveur, il évolue nécessairement à travers ce triangle de Karpman afin de pouvoir demeurer le héros. Il cherche inconsciemment à reproduire des situations dans lesquelles il peut être un « super-héros », un sauveur, quelqu’un d’indispensable et qui fait le bien. Pour que cela soit possible, le sauveur crée nécessairement des liens de relations avec des personnes ayant le profil de victime. 

 

Ce syndrome a donc des conséquences sur les relations du sauveur. Elles peuvent être conditionnées par les bénéfices secondaires, cf : schéma de la balance article 2. 

 

Nous allons voir les conséquences du syndrome et du triangle de Karpman sur les relations de notre sauveur. 

La toxicité

Si le sauveur semble aider les autres sans rien attendre en retour, il a tout de même le sentiment de se sacrifier en permanence pour les autres. Alors quand une personne refuse l’aide apportée, il peut se sentir rejeté et éprouver de la colère ou tenter de persuader la personne d’accepter son aide. Dans ce cas, le sauveur soumet la personne et devient alors le persécuteur. Le sauveur supporte mal cette inversion des rôles. C’est le côté dramatique du triangle de Karpman, les rôles peuvent changer sans que tous les acteurs n’en aient ni conscience, ni le désir. La relation devient toxique, lorsque le sauveur ne reçoit pas la reconnaissance qu’il venait chercher ou pire, lorsqu’il reçoit au contraire des reproches. 

 

Alors pour éviter un maximum cette possibilité de rejet, le sauveur est inconsciemment attiré par des personnes fragiles ayant le profil de la victime. 

Une attraction pour les personnes en souffrance et nécessitant de l’aide

Les relations du sauveur sont souvent déterminées par son besoin permanent d’aider les autres. Comme nous l’avons vu, il se lie à des personnes en souffrance (angoisses, dépression, addictions, etc). Il choisit des relations dans lesquelles il pourra faire des choses pour aider Autrui. Pour lui, prendre en charge la souffrance des autres c’est être une personne de confiance, quelqu’un de bien et surtout quelqu’un qui mérite d’être aimé. Ce besoin viscéral de toujours aider, vient répondre à son besoin interne de gratitude et d’admiration des autres pour exister. 

 

Parfois, l’entourage proche de notre sauveur (ne faisant pas partie du triangle de Karpman) peut considérer ce dernier comme quelqu’un d’égocentrique. Le fait que certaines personnes puissent penser cela est très difficile à accepter et à vivre pour le sauveur, qui fait pourtant tout pour les autres et peu importe le prix. Certaines situations peuvent causer une grande souffrance de notre sauveur et de son entourage. Ce sont souvent les conjoints et enfants qui payent le plus dans ces situations.

Et dans les relations conjugales ?

En couple, le sauveur choisi une fois de plus une personne à sauver : soit une personne en souffrance, soit une personne ayant l’habitude de se positionner en victime. Il se rapproche plus facilement et il est plus souvent attiré par des personnes fragiles et vulnérables. Son besoin viscéral est en effet plus facilement comblé par une personne qui désire profondément être aidée, assistée ou maternée. 

 

La relation de couple fonctionne donc sur la base d’une co-dépendance et ne se fonde pas sur une égalité de chacun. Le sauveur exhibant son désir d’aider l’autre à sortir de sa souffrance est en position haute, tandis que son ou sa partenaire est en position basse dans la relation. C’est-à-dire que d’une certaine façon, le sauveur en couple domine son ou sa partenaire puisque c’est lui qui décide de ce qui est bon ou non pour l’autre et pour la relation. Il devient la personne décisionnaire, celle qui a le pouvoir. Même si le sauveur ne pense pas du tout à mal et au contraire, cherche véritablement le bien de son ou sa partenaire, la relation est toxique car non équilibrée. Il y a un dominant qui possède l’ascendant, et un dominé. Rappelons-nous que le rôle de la victime amène inévitablement et de façon non consciente à cela. Il est donc fréquent que le sauveur devienne le persécuteur du couple, lorsque la victime fait tourner les rôles par exemple. 

Une co-dépendance toxique

Finalement le sauveur cherche à aider l’autre pour obtenir une meilleure image de lui-même (pour lui et aux yeux des autres), son intérêt n’est pas vraiment d’aider la personne à se sortir de sa situation. Il apprécie lui apporter de l’aide ponctuellement, afin qu’elle puisse être dans la demande régulièrement. C’est pour cette raison que le sauveur est attiré par des personnes ayant le profil de la victime. Cela permet une co-dépendance qui apporte des bénéfices secondaires aux deux personnes.  Cela engage également une dette de la personne. Cette dette sera payée en reconnaissance, en admiration et en amour. 

 

Ainsi, le sauveur peut aider, tout en ne favorisant pas le développement de l’autonomie de l’autre face à ses problèmes, ni sa prise de responsabilité. 

Connaissez-vous le proverbe chinois qui dit : 

 

« Donne un poisson à un homme, il pourra manger aujourd’hui. Apprends-lui à pêcher et il pourra manger toute sa vie. » ? 

Notre sauveur préfère donner du poisson à chaque fois (et devenir indispensable), plutôt que la personne aidée apprenne à pêcher par elle-même et n’ait plus besoin de lui prochainement.

Une tentative de réparation inavouée

Les comportements incessants d’aide sont justifiés par des tentatives de réparation de la blessure narcissique du sauveur. Par ses actes d’aide, le sauveur vient en effet nourrir son besoin de reconnaissance. Lorsqu’il tente de sauver quelqu’un en lui apportant de l’aide non réclamée, le sauveur tente en vain de se sauver lui-même. Cette tendance à secourir à tout prix, couvre le mal être dissimulé au fond de lui. La souffrance de l’autre lui est intolérable car elle reflète douloureusement sa propre souffrance non guérie. C’est par ses actes d’aide envers autrui, que le sauveur pense pouvoir enfin mériter et recevoir amour et considération dont il manque cruellement. 

 

Mais pour lui, il est vraiment intolérable de penser à lui et de faire des actions dans son intérêt personnel. A ses yeux, cela s’apparenterait à de l’égoïsme et donnerait une image de lui péjorative. Alors il agit au bénéfice des autres. Il tente de réparer les autres. Le sauveur méconnait sa propre souffrance et l’ignore. En revanche, il s’autorise à comprendre avec empathie celle des autres personnes. Il ne s’estime pas assez pour prendre en considération sa propre souffrance au quotidien (induite par des événements de vie, des traumatismes, des abandons, etc.). Venir systématiquement en aide aux autres, lui permet donc d’apaiser et de diminuer son sentiment d’être inférieur (de ne pas mériter d’être aimé) et sa peur profonde de l’abandon. 

Quelques rappels concernant le syndrome du Sauveur

Rappel : définition du syndrome du sauveur

Il s’agit ici d’un trouble et bien qu’il ne soit pas répertorié comme une pathologie reconnue dans le Manuel Diagnostique et Statistique des troubles mentaux (DSM), il démontre une certaine souffrance chez la personne qui en est atteinte. 

 

Le sauveur éprouve en permanence un besoin viscéral d’aider d’autres personnes. C’est un réel appel interne très puissant. Comme nous l’avons vu dans cet article, il est comme prisonnier de cette vocation qu’il ignore lui-même, puisque ce mécanisme est inconscient. 

 

Pourvu d’une très grande empathie (capacité à se mettre à la place de l’autre), le sauveur s’entoure de personnes en souffrances et il accumule lui-même, beaucoup de souffrances émotionnelles. Ce gouffre d’empathie peut être fatiguant et fragiliser le sauveur, comme dans le traumatisme vicariant ou la fatigue compassionnelle. 

Traumatisme vicariant : (aussi appelé traumatisme par procuration, on le retrouve souvent chez les soignants et thérapeutes. L’écoute et la confrontation répétées aux vécus traumatiques d’autres personnes, peuvent avoir des effets délétères qui se cumulent et qui ont des répercussions importantes chez la personne qui écoute les victimes, avec beaucoup d’empathie. De plus, les personnes ayant elles-mêmes vécu des événements traumatisants peuvent être particulièrement sensibles au traumatisme vicariant). 

Fatigue compassionnelle : (elle apparait également au contact régulier avec la souffrance d’autres personnes. Elle peut être confondue avec un burn out).

En effet, lors de contacts et d’écoutes empathiques prolongés et dirigés vers la souffrance des autres, le traumatisme d’autrui peut devenir une expérience personnelle ayant des conséquences néfastes sur la santé mentale. Finalement, l’archétype de notre Sauveur est une personne fragile, pour plusieurs raisons que nous allons voir, par exemple, sa blessure narcissique. 

Rappel la blessure narcissique du sauveur

La blessure narcissique prend racine dans l’enfance. En effet, tout enfant en développement a des besoins dits « narcissiques ». Ce sont des besoins de réactions positives et stimulantes de son entourage (notamment de ses adultes référents), dont l’enfant s’enrichit afin de pouvoir se construire (grandir et développer sa personnalité de futur adulte). On les qualifie de narcissiques (désignant une confiance suffisante en lui-même et en son entourage pour avoir envie et être capable de se débrouiller seul et d’explorer le monde extérieur sans se sentir trop en danger.) car ce sont les premiers besoins de reconnaissance de l’enfant (il s’attend en effet, à des manifestations de joie et d’amour tels que des sourires, des rires, des vocalises et autres stimulations positives, lorsqu’il cherche l’interaction avec d’autres personnes). Ces démonstrations de sentiments positifs et joyeux, permettent à l’enfant de construire son identité.  

 

C’est également à ce moment-là, que l’enfant connait ses premières frustrations (dues à l’absence de réponse, à la non disponibilité, à l’absence, à l’évitement, au sentiment de non reconnaissance vécu, etc.). Effectivement, l’enfant découvre qu’il n’est pas de centre du monde. C’est la première fois que les besoins narcissiques de l’enfant sont frustrés. On parle de blessure narcissique. La blessure narcissique également appelée blessure du vide, est universelle et nécessaire à la vie humaine.   

Toutefois, selon les événements de vie et/ou événements traumatisants (tels que la carence affective, la défaillance parentale, le vécu d’humiliation, des exigences élevées, un manque de valorisation, l’abandon, le rejet), cette blessure narcissique peut être plus profonde ou plus brutale et ainsi devenir pathologique. Lorsqu’elle est pathologique, elle se caractérise par une faible estime de Soi et peut se manifester par des sentiments d’inutilité, d’incapacité, voire un complexe d’infériorité. Si cette blessure est universelle, elle reste toutefois inconsciente et influence insidieusement nos vies quotidiennes.  

 

Le sauveur, comme tout un chacun, a vécu une blessure narcissique. La sienne en revanche, peut être pathologique et donc, avoir des conséquences sur son mode de fonctionnement et sur son mode d’entrée dans les relations, ce qui se repère plus particulièrement à l’âge adulte. 

 

Lorsque la blessure narcissique originelle devient pathologique, la personne peut développer un trouble de dépendance affective. C’est le cas de notre sauveur. Il est devenu dépendant affectif. 

La dépendance affective du sauveur

La dépendance affective est une forme d’addiction au sentiment d’affection d’autrui. On parle de trouble de la personnalité dépendante. Il se développe le plus souvent pendant l’enfance mais il peut être déclenché à l’adolescence ou encore à l’âge adulte par un événement déclencheur comme un deuil, une rupture, un vécu traumatique. La personne n’est pas préparée à vivre un tel événement traumatisant et celui-ci vient impacter directement sa vie. 

 

Lorsque la dépendance affective se développe à l’âge adulte, l’événement déclencheur traumatisant vient impacter une base de sécurité affective déjà fragilisée durant l’enfance de la personne. C’est-à-dire que le contexte familial dans lequel elle s’est développée durant son enfance était fragile sur le plan affectif (avec de la carence affective, de la défaillance parentale, un vécu d’humiliation, de manque de valorisation, d’abandon, de rejet, etc.) mais n’a pas traumatisé la personne. A ce moment elle avait suffisamment de ressources adaptatives pour s’en sortir et survivre. 

 

L’événement traumatisant (un deuil, une rupture, etc.) vient impacter cette base fragile et déclencher le trouble de dépendance affective. 

 

Toutes les personnes souffrant de dépendance affective ne sont pas systématiquement atteintes du syndrome du Sauveur. Toutefois, le syndrome du sauveur est une défense, une tentative de lutte de la personne atteinte contre sa dépendance affective. 

 

Le sauveur souffre de dépendance affective, de par son histoire de vie. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a développé ce syndrome. Il s’agit d’un mécanisme de défense adaptatif (processus mental automatique et inconscient, qui sert à l’adaptation et aide la personne à surmonter l’adversité).

Pour conclure :

Le sauveur a besoin de se libérer de la dépendance affective pour retrouver des relations saines et s’épanouir. Cela est possible par l’affirmation de Soi, qui peut se travailler en thérapie en commençant par un travail sur l’estime de Soi et la confiance en Soi. Pour sortir de cette addiction au sentiment d’affection des autres, le sauveur apprendra à lâcher prise progressivement pour aller puiser en lui-même la reconnaissance dont il a besoin. 

 

Des exercices peuvent aider à travailler cette affirmation de Soi : comme les affirmations positives et de valorisation au quotidien, la différentiation des actes faits et de la personne, fêter chaque petite victoire, ou encore le travail sur les besoins et les émotions.  

 

Il serait aussi intéressant de travailler le système de croyances et de pensées automatiques de la personne. Une des croyances des personnes ayant le syndrome du sauveur est « mon objectif est noble » ou « je suis une bonne personne » ce qui fait d’elles des personnes aimables car elles aident les gens sans rien attendre en retour. Une remise en question de ces croyances est importante pour pouvoir avancer dans le traitement. La personne atteinte du syndrome du sauveur aura à comprendre et à accepter que l’aide apportée n’est pas seulement guidée par une générosité ou un altruisme, mais que le sentiment d’être indispensable auprès des autres apportent une sensation de toute puissance* (définition). Cette valorisation narcissique peut se trouver ailleurs. Il est par ailleurs important de noter que la personne atteinte du syndrome du sauveur est évidemment digne d’être aimée et qu’elle le mérite, indépendamment de ce qu’elle fait ou non pour les autres. C’est une croyance fondamentale qu’elle devra comprendre et réintégrer dans son système de valeurs, pour se libérer de son syndrome du sauveur. 

 

Pour cela, il est indispensable que la personne puisse prendre conscience qu’elle est atteinte de ce syndrome et qu’elle puisse appréhender son origine probable. En thérapie avec un psychologue, il est possible de remonter aux attachements réalisées durant l’enfance (avec les parents ou d’autres adultes référents). En effet, ce sont en général les liens liés à la sécurité affective qui ne se sont pas correctement établis qui provoquent ce trouble. Il est possible que la place de l’enfant n’était pas clairement établie, que les parents prenaient trop de place voire avaient des comportements problématiques. 

 

La compréhension des causes profondes et des mécanismes à l’œuvre peut permettre de les faire évoluer. 

Sources :

[1] Woods, K. (2008). Les bénéfices primaires et secondaires du jeu psychologique. Actualités en analyse transactionnelle, 126, 19-22. https://doi.org/10.3917/aatc.126.0019 

 

[2] Noriega, G., ouvr. cité (n. 1), p. 120. https://www.cairn.info/revue-actualites-en-analyse-transactionnelle-2010-1-page-24.htm#no28

 

[3] L’Observatoire national de la protection de l’enfance ONPE, (2016). Les besoins fondamentaux de l’enfant et leur déclinaison pratique en protection de l’enfance. Note d’actualité, Groupement d’intérêt public Enfance en danger. 

Prenez soin de vous,

Salomé CAVERY

Psychologue Clinicienne et Psychothérapeute à Lyon et en téléconsultations,  

 

07 69 35 17 54  

 

contact@psychologue-cavery.com 

https://psychologue-cavery.com

Salomé CAVERY

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